17 Oct 2018
Caire, Égypte
Textiles et vêtements durables

Même si l’Italie est le berceau mondial des marques, ce sont des boutiques locales d’articles d’occasion qui ont alimenté l’imagination de Seif El Attar, cofondateur de la marque vintage Vecchio du Caire. Seif suivait ses études à l’étranger en 2014 quand il a commencé à construire une garde-robe de vêtements italiens d’occasion. « Au début, je m’intéressais plutôt à l’apparence de mes chemises », dit-il. « Mais j’ai fini par me demander pourquoi on s’approvisionne chez les producteurs de masse alors qu’on a déjà à disposition des vêtements en bon état ».

Seif Al-Attar rentre en Égypte et, en juillet dernier, avec Nouran Sleat, il fonde une jeune entreprise de vêtements. Dans un esprit de réorientation, le mot italien « vecchio » – signifiant « vieux » – est adopté ; ce mot résume bien l’intention de tirer le meilleur parti des ressources vestimentaires existantes de l’Égypte.

La mission de Vecchio en matière de vêtements durables va à contre-courant des tendances du marché mondial qui mettent de plus en plus l’accent sur la ‘mode de consommation’. Autrefois, les consommateurs achetaient des vêtements qui duraient des années. Aujourd’hui, pour des prix abordables, on peut vider indéfiniment des armoires entières pour les remplir de nouveau avec des stocks de vêtements à la mode. Ces pratiques de gaspillage ont provoqué de nombreux ravages à l’environnement. Les teintures toxiques pour vêtements sont rejetées dans les sources d’eau pure, pendant que les déchets textiles s’accumulent – les débris de la dernière tendance démodée. Ces facteurs ont contribué à faire de l’industrie du vêtement le deuxième plus grand pollueur industriel au monde.

Nouran Sleat et Seif Al-Attar estiment que leurs compatriotes devraient prendre ces questions très au sérieux. « Nous avons été motivés par le problème des déchets en Égypte », dit Nouran Sleat. « Les gens s’imaginent que les vêtements usagés sont sales ». Les deux entrepreneurs parcourent les magasins d’occasion pour trouver d’excellents vêtements anciens, les recyclent et les redessinent en chemises, vestes et jupes funky neuves. La jeune entreprise a encore quelques difficultés à se procurer du matériel de qualité et à commercialiser ses produits, mais elle continue de transformer les mentalités égyptiennes au sujet des vêtements usagés.

La mode, une passion :

En vérité, les premières graines de Vecchio ont été semées bien avant les escapades de Seif dans les friperies italiennes, quand la jeune Nouran fouillait la garde-robe de sa mère à la recherche de trésors cachés. « J’adorais prendre les affaires de ma mère et les transformer en mon propre truc », dit-elle. Ce passe-temps d’enfance s’est transformé par la suite en achat d’articles d’occasion, à l’époque où Nouran avait commencé à adopter un look vintage.

Vecchio a démarré l’année dernière sur les marchés du Caire, mais le concept de vêtements recyclés n’a pas décollé immédiatement. « De nombreux clients n’avaient pas la bonne mentalité pour acheter des vêtements d’occasion », explique Nouran. « Ils nous demandaient si les vêtements avaient été portés – nous disions ‘oui’ – et ils nous jetaient un regard étrange avant de partir ».

Dahab, plage égyptienne où les esprits libres aiment s’évader, s’est avérée être un terrain plus fertile pour Vecchio au départ. Nouran et Seif y étaient en vacances ; ils décident sur un coup de tête de participer à un marché local et y réalisent aussitôt les premières ventes de Vecchio. Le bouche-à-oreille se répand à partir de là, aidé par le marketing de Vecchio sur Facebook et Instagram.

Nouran et Seif se consacrent à Vecchio selon leurs horaires de travail. Nouran est enseignante à la maternelle, tandis que Seif s’occupe des élèves du secondaire. « Nous attendons avec impatience les week-ends et les jours fériés, qui nous permettent de travailler pour Vecchio », a déclaré Nouran.

Actuellement, les clients ne peuvent acheter les produits Vecchio qu’aux marchés aux puces ou en rencontrant l’un des fondateurs en dehors des heures d’ouverture dans la salle d’exposition du Nouveau Caire de l’entreprise. Comme l’attestent tous ceux qui connaissent bien Le Caire, circuler à travers l’immense capitale égyptienne, congestionnée par le trafic, peut s’avérer – c’est le moins qu’on puisse dire – un véritable défi. Nouran et Seif ont essayé de résoudre ce problème en vendant des vêtements en ligne, mais la logistique d’expédition s’est avérée insurmontable pour le moment.

Pour Nouran, l’approvisionnement en matériaux et la collaboration avec des tailleurs qualifiés constituent un défi clé pour l’avenir de Vecchio. Nouran et Seif passent des heures à vérifier si chaque vêtement est en assez bon état pour la revente. Ce processus de sélection minutieux permet d’expliquer pourquoi Vecchio recycle même ses propres produits, plutôt que de renoncer à des articles vintage de qualité.

« Si une chemise ne se vend pas pendant l’été, nous pouvons récupérer le tissu et en faire un pull ou une veste de bombardier pour la saison hivernale », explique Nouran.

Le vieux devient chic :

Là où Vecchio a certainement réussi, c’est à rendre les vêtements recyclés à la mode en Égypte. « Petit à petit, les perceptions changent et notre style devient de plus en plus familier », dit Nouran. Elle rapporte que les Cairotes, qui avait autrefois snobé les marchandises de Vecchio, viennent à présent chercher le stand de Vecchio aux marchés aux puces.

Nouran et Seif sont déterminés à utiliser la popularité croissante de Vecchio pour faire connaître la mode durable. « Beaucoup de clients nous choisissent parce que nos produits ont l’air cool, mais nous leur expliquons toujours pourquoi il vaut mieux éviter d’acheter uniquement des produits neufs », dit Seif. Vecchio renforce cette philosophie en utilisant un emballage minimal et des sacs durables.

Le fait que les produits Vecchio soient, paradoxalement, exclusifs – un critère clé pour les fashionistas du monde entier – n’est pas non plus préjudiciable. Chaque design est une pièce unique, exclusive et spéciale, qui ajoute de la valeur à l’acquisition du client. « Si tu nous achètes quelque chose, dit Nouran, tu seras la seule personne à porter ça ».

 

Pour en savoir plus sur Vecchio consultez son Instagram et Facebook.

Photos : Avec la permission de Vecchio

Depuis qu'il a obtenu sa maîtrise en Sciences du Moyen-Orient l'année dernière, il travaille comme journaliste pigiste à Accra au Ghana et au Caire en Égypte.David Wood
Des créateurs égyptiens de vêtements vintage rejoignent la lutte contre le gaspillage de la « mode à consommer » | The Switchers
Traduction : Lilia Bacha
Vecchio Textile & vêtements durables