« La guerre syrienne a grandement affecté les exportations libanaises, en particulier les fruits et légumes destinés aux marchés arabes », explique Khaled Sleem, directeur de production chez Native Nurseries « Presque toutes ces exportations se faisaient par voie terrestre à travers la Syrie, et ces routes ont été complètement fermées ».
Le Liban s’est retrouvé avec un excédent de pommes destinées à l’exportation – et aucune politique n’a été mise en place pour protéger les agriculteurs. Le pays a continué d’importer des pommes d’autres pays, alors que les agriculteurs locaux subissaient des pertes. « Le gouvernement n’avait pas de stratégie à long terme en place et n’a pas conclu d’accords équitables pour exporter des produits libanais », ajoute Marie Nahas. Alors, les fermiers sont descendus dans la rue. « Certains ont coupé leurs pommiers et jeté des pommes sur les routes principales pour attirer l’attention sur la question », raconte-t-elle.
La famille Nahas était désemparée, mais ne s’avoua pas vaincue. Dans cette crise, « nous avons vu une opportunité », dit-elle. « Nous avons décidé de garder nos 1800 pommiers. Nous savions qu’il y aurait à nouveau une demande après ». Et quand ce jour sera arrivé, la famille Nahas voulait être prête.
Un sol fertile pour un avenir meilleur :
Tout comme un sol riche en minéraux, une bonne technique et des facteurs environnementaux peuvent créer les conditions idéales pour produire une récolte fructueuse, la famille Nahas possédait certains des ingrédients clés pour trouver une solution : connaissances agricoles, expérience financière et détermination.
« Nous sommes une famille d’agriculteurs », explique Marie Nahas. « Mes parents sont agriculteurs depuis plus de 30 ans ». Le courage de son père et ses connaissances en agriculture ont fourni une base solide ; Marie, elle, a apporté une perspective nouvelle et son expérience. « J’ai un diplôme en commerce international, et j’ai travaillé comme spécialiste en finances », dit-elle. Celle-ci avait passé de nombreuses années à l’étranger, réalisant des analyses financières pour des fermes en France et collaborant avec des institutions bancaires et financières au Canada. « Je savais comment améliorer les processus, réduire les coûts et identifier les moyens de se développer ». Lorsque la crise a frappé le pays, Marie est retournée au Liban pour aider sa famille.
« L’agriculture fait partie de moi. Elle m’accompagnait partout où j’allais », dit-elle. « Mais quand je travaillais dans la finance, j’étais enfermée dans un bureau. J’avais besoin de retourner à la nature et à ma famille ». Marie finit donc par retourner à ses racines – la ferme familiale dans la Vallée de la Bekaaa (aussi appelée Beqaaa), la région agricole la plus fertile du pays – armée d’une décennie d’expérience en finance et du désir de sauver la ferme.
Planter les graines :
Marie Nahas se met au travail, exploitant ses connaissances financières et recherchant de nouvelles approches à l’agriculture. « Nous avons mené une étude de marché et découvert que beaucoup de gens veulent des produits sans pesticides », dit-elle. Celle-ci demande l’avis d’experts, notamment des consultants européens et des experts en agroécologie.
« J’ai visité la ferme de Nahas avec Paul Wojtkowski, un expert en agroécologie », explique Khaled Sleem. « Nous avons recommandé des solutions agro-écologiques pour augmenter les profits de la ferme. L’une des recommandations était de planter des cultures annuelles ‘d’accompagnement’ qui ne nécessiteraient pas d’intrants monétaires supplémentaires et qui pourraient profiter du même système d’irrigation goutte à goutte utilisé pour les pommiers. Nous avons également recommandé d’introduire des animaux pour la lutte antiparasitaire – des poulets qui mangeraient les insectes nuisibles, des oies et des canards qui réduiraient les mauvaises herbes, tout en fertilisant naturellement la terre et en générant de l’argent à partir de la production d’œufs et de viande ».
Lorsque cette expertise en agroécologie est venue enrichir les connaissances financières de Maria et l’expérience agricole de son père, la famille a pu mettre au point un plan d’action prometteur, avec des applications écologiques et de nombreuses sources de revenus. Celle-ci ne dépendrait plus d’un seul produit. Si la crise se reproduisait, la famille Nahas serait mieux préparée avec une gamme plus large d’offres. Basma Agricultural Products est né.
« Notre nouvelle stratégie consiste à appliquer des méthodes agroécologiques et à réduire nos coûts de production afin que nous puissions devenir compétitifs sur le marché européen », explique Maria Nahas. La ferme est en train de passer de la monoculture à la multiculture – en introduisant des cultures complémentaires aux pommes afin d’améliorer le sol et le rendement. « Les plantes comme les haricots, les framboises et le miellat servent d’engrais naturel, et les feuilles et l’ombre qu’elles fournissent peuvent empêcher les mauvaises herbes nuisibles de pousser », explique-t-elle. La diversité des cultures crée une diversité de revenus pour la famille, ce qui rend l’entreprise moins dépendante d’un seul produit en cas de crises futures. Comme dit le proverbe : la famille Nahas ne met plus tous ses œufs dans le même panier. En fait, même les oiseaux se sont diversifiés à la ferme. « Nous avons maintenant une espèce spéciale de canard qui se nourrit d’insectes qui pourraient endommager nos cultures », dit Maria.