22 Jan 2018
Caire, Égypte
Constructions durables

Si vous contemplez l’horizon au Caire, vous verrez une ligne formée par les bâtiments : les contours élaborés des minarets des mosquées se mêlent aux maisons carrées et aux immeubles modernes. Ce que vous ne verrez pas dans ce paysage aride et ancien, ce sont les arbres. Le Caire souffre d’un fléau de pollution depuis des années, connu sous le nom de ‘nuage noir’. La fumée brumeuse et dense a commencé à planer au-dessus de cette grande métropole en 1997. Aujourd’hui, cette fumée représente 42 % de la pollution atmosphérique du pays.

La brume est suspendue tout autour des magnifiques pyramides et la suie s’accroche aux parois des bâtiments. De nombreuses personnes souffrent d’asthme et les problèmes respiratoires ont monté en flèche.

Parmi les victimes de cette piètre qualité de l’air du Caire, il y a Mohamed Abdel Samad, qui a souffert d’allergies toute sa vie et qui s’est récemment remis d’une inflammation pulmonaire.

« Tout le monde fume à l’intérieur des bâtiments, et c’est une chose horrible. Lorsque vous sortez, vous sentez l’odeur de la fumée et du diesel en combustion. Le Caire est vraiment pollué et j’ai voulu faire quelque chose », raconte-t-il. « Alors, j’ai décidé de planter des arbres ».

Une idée est née :

Abdel Samad grandit au Caire, puis quitte le pays pour obtenir son diplôme en affaires à la Hogeschool-Universiteit Brussel. Mais c’est en fréquentant les gens lorsqu’il était étudiant à la BI Norwegian School of Management qu’il développe une véritable passion pour l’environnement.

« Les Scandinaves sont très soucieux de l’environnement », note-t-il. « En Norvège, ils ont déjà atteint leurs objectifs en matière d’émissions de carbone. Ils sont avancés en matière de développement durable, et il y a beaucoup d’informations sur les entreprises durables et sur la citoyenneté mondiale ».

Lors de son séjour en Norvège, Abdel Samad décide de faire quelque chose pour l’Égypte étouffée par la pollution.

« La principale raison pour laquelle j’ai commencé ce projet est que je voulais faire quelque chose pour mon empreinte carbone, alors je me suis dit : bien, je vais planter des arbres. Les arbres sont incroyables, ce sont des puits de carbone ».

Les puits de carbone éliminent les émissions de CO2 de l’atmosphère, et Abdel Samad a trouvé que ce projet était tout simplement son billet pour Le Caire.

Shagara At School :

Au Japon, on appelle le fait de trouver du réconfort parmi les arbres ‘baignade en forêt’ et l’on considère que cette activité améliore l’immunité et l’humeur. Les chercheurs ont découvert que la Vitamine N, ou vitamine nature, est essentielle à la santé humaine.

Le Dr. Robert Zarr est un pédiatre qui a fondé Park RX America ; il prescrit la nature pour les enfants.

« Nous sommes en plein milieu d’une épidémie de maladies chroniques et nous souffrons de problèmes tels que l’hypertension artérielle, le diabète, la dépression et autres maladies chroniques », dit-il. « Si nous restons assis à l’intérieur, mangeons et buvons toute la journée, nous multiplions les facteurs de risque de développer une maladie chronique. Le fait de se trouver dans la nature joue un rôle dans la prévention des maladies chroniques. Il y a plus de 400 études qui montrent un lien entre le temps passé dans la nature et l’amélioration des états de santé ».

Mais la nature n’est pas facile à trouver au Caire. Le ficus sycomorus (sorte de figuier), qui poussait autrefois en abondance dans toute l’Égypte ancienne et dont les fruits étaient enterrés aux côtés des pharaons, est aujourd’hui devenu très rare.

« Nous en avons planté environ 70 le long de la rue dans une zone rurale, mais les gens les ont abattus », regrette Abdel Samad. « Ils ont peur que les arbres ne deviennent trop grands ».

Au lieu de le faire dans les rues, Abdel Samad a décidé de planter des arbres dans les écoles, et c’est ainsi que Shagara a commencé à l’école. Shagara signifie ‘arbre’ en arabe.

« La plupart des paysagistes égyptiens utilisent des espèces envahissantes non locales », dit-il. « Mon but est de planter des arbres d’espèces locales autour des écoles et sur les cours d’école, avec des jardins sur les toits. Les espèces indigènes sont les meilleures : tu les arroses pendant quelques mois puis elles se prennent en charge ».

C’est ainsi qu’il y a cinq ans, Abdel Samad approche une école au Caire et y construit un jardin sur le toit, avec l’aide de tout le monde sur place. Les années suivantes, le jardin s’épanouit bien plus qu’Abdel Samad ne l’aurait jamais imaginé.

« Il a été mis en place en 2013 et il continue de pousser », raconte-t-il. « Il ne fait pas que pousser, quelque chose de magique s’est produit. L’école a même lancé un programme de recyclage où on a collecté des bouteilles en plastique, que les enfants peignent dans des cours d’art et accrochent au mur comme un jardin vertical. On a également nettoyé la zone à l’extérieur de l’école et de la commune et on a planté de beaux citronniers et orangers là où se trouvait autrefois un site d’enfouissement ».

Non seulement ces plantes locales aident à purifier l’air, mais elles sont également une source de revenu et de nourriture pour les habitants.

« Le seul fait que cette école ait entretenu ce jardin par ses propres moyens pendant cinq ans est une énorme réussite », a déclaré Abdel Samad.

Créer de la biodiversité dans la région méditerranéenne n’est pas nouveau. Zaher Redwan, président d’une initiative qui promeut la culture de plantes locales et biologiques dans les campagnes du Liban, appelée Green Hand, a fait l’éloge de l’initiative qu’il décrit comme à la fois éducative et artistique. « Avoir un petit jardin sur les toits entrainera une prise de conscience et peut-être que plus de gens créeront aussi des jardins ».

De plus grands rêves pour Shagara at School :

Il y a des centaines d’écoles réparties dans tout le Caire, et Abdel Samad espère étendre Shagara at School à 100 autres écoles au cours des quatre prochaines années.

« Même lorsqu’il y a un seul arbre à un endroit, cela fait une différence dans le microclimat », dit-il. « Quand vous rencontrez un arbre au Caire, tout le monde se met en dessous, assis ou debout, alors un arbre fait la différence ».

Abdel Samad rêve de mettre en œuvre des programmes de formation professionnelle et d’architecture verte dans les écoles afin de former les futurs dirigeants et la main-d’œuvre du pays.

« Nous voulons amener les jeunes aux pratiques de design vert et enseigner aux étudiants comment installer des panneaux solaires pendant que le marché du solaire est en pleine croissance en Égypte. C’est une situation gagnant-gagnant ».

Celui-ci pense que parmi les principaux moyens d’inverser l’impact négatif du changement climatique, il y a la sensibilisation des gens ; et quel meilleur endroit pour commencer que les écoles, où les enfants apprendront une meilleure façon de créer, de cultiver et de vivre ?

En décembre 2021, Al Shaymaa School for Girls a inauguré son Shagara at School « Green Roof Classroom ». Shagara a impliqué les étudiants et les enseignants dans des tâches de mise en œuvre qui ne nécessitent pas d’expertise technique. Suite à l’approbation de la conception, un atelier avec l’enseignant de la classe agricole a eu lieu où 137 filles ont participé pour planter les 65 mètres carrés, la surface totale de végétation, avec 1555 semis et mélanger 2,2 mètres cubes de compost avec du sable pour préparer son sol d’ingénierie.

Les bénéficiaires directs du projet sont les enseignants, les élèves et les ouvriers de l’école. Ils bénéficient d’une meilleure étanchéité à l’eau dans les écoles et d’une infrastructure générale améliorée, d’une meilleure santé psychologique et physique, d’une expérience d’apprentissage améliorée, d’une attention et de la capacité de participer à des activités parascolaires. En effet, les salles de classe au toit vert permettent différents types d’utilisation : une classe extérieure régulière, une utilisation de jardinage ou d’activités sportives.


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Images : Avec la permission de Shagara at School.

Kristin Hanes est une journaliste passionnée par l'environnement, la durabilité et la science. Elle adore raconter les histoires des gens qui font une réelle différence dans le monde.Kristin Hanes
Au Caire, un homme plante des arbres locaux et transforme les écoles | The Switchers
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