14 Mai 2018
Beyrouth, Liban
Efficacité des ressources et gestion durable des déchets, Textiles et vêtements durables

Des montagnes de déchets sont régulièrement brulées au Liban, envoyant des substances toxiques dans l’air. Souvent, on trouve des détritus et du plastique dans les rues. Le pays s’efforce de mettre au point un programme de gestion des déchets, et la situation s’est tellement détériorée que la Human Rights Watch installe des panneaux d’affichage dans tout le pays pour alerter les habitants sur les dangers des décharges à ciel ouvert et de la combustion des déchets. On estime que 5% des déchets solides au Liban proviennent de textiles, notamment les vêtements et les tissus. Un jeune entrepreneur libanais a su voir dans tous ces vêtements une opportunité : une entreprise qui, non seulement contribuerait à résoudre le problème des ordures, mais aussi les personnes défavorisées.

Cette initiative veut tisser une vision zéro déchet dans la consommation des vêtements au Liban | The Switchers

Un jour d’été en 2016, Omar Itani a regardé dans son placard et s’est rendu compte qu’il avait une grande pile de vêtements dont il n’avait plus besoin. Il a alors publié un message sur Facebook informant ses amis qu’il donnait des vêtements et demandant si quelqu’un d’autre avait des articles à donner. En deux semaines, il a recueilli plus de 200 kilos de vêtements.

« Je ne m’attendais pas à recevoir 1 000 articles », dit-il. « Mais j’ai voulu tenir ma promesse et j’ai dû trouver un moyen de distribuer cette grande quantité de vêtements. J’ai cherché auprès des ONG locales et j’ai découvert qu’aucune d’entre elles n’avait les moyens de nettoyer, de trier et de distribuer les vêtements ».

Quelques mois plus tard, Omar Itani crée FabricAID, une entreprise dédiée à la collecte et à la distribution de vêtements de bonne qualité pour les personnes défavorisées au Liban.

« Nous avons une demande énorme au Liban. Il y a deux millions et demi de personnes qui n’ont pas les moyens de s’offrir des vêtements de bonne qualité. Parmi eux, il y a un million et demi de réfugiés syriens », remarque-t-il.

Cette initiative veut tisser une vision zéro déchet dans la consommation des vêtements au Liban | The Switchers

Fonctionnement de FabricAID :

Quand les gens n’ont plus besoin de leurs vêtements, ils les donnent souvent à des ONG. FabricAID achète ces vêtements usagés, parfois jusqu’à 1000 kilos par jour. Par ailleurs, l’entreprise a également placé des bacs de collecte dans tout le pays.

Les vêtements sont ensuite acheminés vers un entrepôt centralisé où huit employés trient, nettoient et catégorisent les vêtements en fonction de leur qualité.

« Les vêtements dénudés, généralement peu prisés par les communautés marginalisées habituellement conservatrices, vont dans une école de mode à Beyrouth, où les étudiants redessinent ces vêtements, qui sont ensuite envoyés dans un camp de réfugiés pour être cousus par des couturières », explique Omar Itani. « Nous employons six réfugiées syriennes. Ces vêtements sont ensuite revendus dans des magasins haut de gamme et des expositions de mode ».

Le reste des vêtements est distribué aux commerces et aux boutiques pop-up installés dans tout le Liban, où les gens peuvent acheter des vêtements usagés à un prix moyen de 0,9 $. La plupart des prix se situent entre 0,03 $ et 2 $ par article, ce qui les rend abordables pour tous.

« Il s’agit de faire du vrai shopping,  ce n’est pas de la charité », dit Omar Itani. « Une personne entre, remplit un sac d’articles, puis va payer. C’est digne ».

La plupart des boutiques pop-up proposent 5000 articles, et certaines d’entre elles en proposent jusqu’à 20 000.

Tout ce recyclage est une aubaine pour le Liban, qui connaît une crise des déchets. Il est particulièrement urgent de recycler les textiles, qui sont jetés à un rythme alarmant. Dans le documentaire The True Cost, il est indiqué que le monde consomme aujourd’hui environ 80 milliards de nouveaux vêtements chaque année.

Livia Firth, directrice de la création d’Eco-Age, déclare dans le documentaire The True Cost Project : « Un vêtement d’une marque de mode à consommer dure généralement 5 semaines dans une garde-robe féminine. Chaque année, un milliard et demi de vêtements sont cousus par environ 40 millions de personnes, travaillant dans 250 000 usines à travers le monde. Ces produits sont principalement fabriqués dans des pays décrits par l’ONU comme étant les moins développés du monde. Globalement, la valeur de l’industrie du vêtement et du textile est estimée à quelque 3000 milliards de dollars. Et l’essentiel de cette somme va dans les poches des actionnaires de ces marques de mode à consommer ».

La création d’un entrepreneur :

À seulement 22 ans, Omar Itani n’est pas un entrepreneur ordinaire. Né et élevé à Beyrouth, il se souvient d’avoir toujours eu l’esprit d’entreprise.

Quand il avait 16 ans, il a participé à un programme appelé Injaz, qui apprend aux jeunes Libanais comment devenir entrepreneurs.

« Nous avions créé notre propre entreprise, et ce que nous avions fait, c’était récupérer les déchets à Beyrouth, les apporter à notre école, les trier et les revendre », se souvient-il. « Nous étions comme une entreprise de gestion des déchets et nous avions une énorme équipe de 40 étudiants. J’étais vice-président des relations publiques ».

Omar Itani a ensuite étudié l’ingénierie industrielle pendant quatre ans, mais il a interrompu ses études au cours de sa dernière année pour se consacrer entièrement à FabricAID – une mission qui, selon lui, peut s’avérer difficile par moments.

« Nous avons pu nous développer rapidement et nous avons maintenant 15 employés », dit-il. « Ce n’est pas de tout repos. [Il faut] gérer leurs salaires, leurs activités quotidiennes, réduire leur temps mort, améliorer leur efficacité. C’est l’une des tâches les plus difficiles en tant qu’entrepreneur. On dédie beaucoup de temps à la gestion du personnel et à essayer d’améliorer l’efficacité ».

Comment FabricAID a trouvé du financement dès le début :

Le financement peut être le cauchemar de n’importe quelle startup – difficile à trouver et à obtenir. Mais cela n’a pas été un problème pour FabridAID, qui a remporté 17 concours et recueilli 130 000 $ .

En février, FabridAID gagne un concours intitulé ‘Get in the Ring Beirut’, et rentre chez lui avec 2500 $ et une place au Global Meetup au Portugal pour représenter le Liban.

« Nous nous concentrons actuellement sur la façon d’augmenter notre cycle de vente », explique Omar Itani. « Nous avons vendu 20 000 vêtements en mars, c’est donc l’une des principales sources de financement pour le moment. Chaque fois que nous trouvons un concours, une subvention ou quelqu’un qui parraine une initiative, nous postulons. Nous n’acceptons pas les dons d’argent ».

Celui-ci explique que les organismes de bienfaisance qui fonctionnent grâce aux dons ne réussissent souvent pas lorsque les donateurs sont démotivés et font preuve de moins d’entrain, et c’est quelque chose qu’il veut éviter.

Jusqu’à présent, les gens sont enthousiastes à l’idée de faire leur shopping chez FabricAID, qui vend des vêtements à un prix 75% inférieur à celui du marché. Tandis qu’une paire de jeans se vend habituellement à 5 $, FabricAID la vend à 1,30 $.

Les objectifs de FabricAID pour l’avenir :

Vingt pour cent des vêtements collectés par FabricAID ne sont pas d’une qualité suffisante pour être lavés et revendus dans les magasins d’occasion.

Itani indique que les vêtements non récupérables sont déchiquetés en petits morceaux pour être utilisés comme rembourrage dans les meubles recyclés.

« Si tu veux un oreiller ou un canapé, tu as besoin de farce. Nous utilisons les vieux vêtements comme rembourrage pour ces articles. Un oreiller fait de vêtements déchiquetés est tout aussi confortable et vous ne verrez pas la différence », dit-il. « Notre but est de ne pas gaspiller de tissu ».

Celui-ci espère faire équipe avec des orphelinats locaux pour créer des oreillers et des canapés pour les enfants, un projet pilote qui débutera en juin 2018.

À terme, Itani veut trouver d’autres jeunes entrepreneurs sociaux passionnés pour permettre à FabricAID à s’étendre à d’autres pays, à savoir la Jordanie, l’Égypte et le Maroc.

 

Pour en savoir plus sur FabricAID, consultez son site Web ou sa page Facebook.

Photos : Avec la permission de FabricAID.

Kristin Hanes est une journaliste passionnée par l'environnement, la durabilité et la science. Elle adore raconter les histoires des gens qui font une réelle différence dans le monde.Kristin Hanes
Cette initiative veut tisser une vision zéro déchet dans la consommation des vêtements au Liban | The Switchers
Traduction : Lilia Bacha
FabricAID Efficacité des ressources & Gestion durable des déchets