29 Mai 2018
Sidi Bouzid, Tunisie
Aliments et agriculture durables

Tiraillé entre la responsabilité sociale qu’il ressent envers les populations pauvres de Tunisie et son souci d’améliorer la recherche en génétique et élevage du bétail, le vétérinaire Mongi Kaddoussi décide de se lancer dans une initiative qui s’est avérée très prisée : Tadhamen. C’est ainsi qu’il s’est intéressé à l’économie sociale et solidaire, se proposant de servir sa ville natale, Sidi Bouzid, et les populations démunies des régions environnantes.

Le grand projet de Mongi Kaddoussi lui vient de son désir d’aider les femmes et la jeunesse sans emploi vivant dans les zones rurales, en leur proposant des partenariats gratifiants. Il a appelé ce projet Tadhamen, qui signifie ‘solidarité’, en arabe.

Comment fonctionnent les partenariats avec Tadhamen :

Les rapports de la Banque mondiale ont conclu que le nombre des jeunes tunisiens qui ne sont pas dans l’éducation, l’emploi ou la formation est plus élevé dans les zones rurales que dans les villes. Près d’un tiers des hommes et de la moitié des femmes sont au chômage dans les campagnes.

« Le projet est social, avec un côté scientifique. Nous nous engageons et collaborons avec des bénéficiaires comme les femmes de la campagne et les jeunes chômeurs en leur fournissant des animaux à haut rendement comme le bétail et les chèvres, sans aucune contribution financière de leur part », dit Mongi Kaddoussi.

« Ce que nous faisons chez Tadhamen, c’est un suivi hebdomadaire et un financement d’initiatives au besoin », ajoute-t-il. Celui-ci espère que son projet atteindra 300 bénéficiaires au cours des deux ou trois prochaines années.

« Nos collaborations sont parachevées par des initiatives comme le Yunus Social Business (YSB) ou l’Agence Française de Développement qui ont financé de 3 à 10 troupeaux de bovins ou de chèvres », explique-t-il.

Ce que Tadhamen y gagne :

Depuis le lancement du projet il y a un an, Tadhamen a réussi à garantir cinq partenaires, grâce à un montant estimé à 20 000 DT (6 729 €) en provenance de l’YSB. « Nous attendons un financement supplémentaire de l’YSB – une somme de 200 000 DT (67 286 €) dans un avenir très proche », explique Mongi Kaddoussi.

Mongi Kaddoussi fait également remarquer qu’en se développant, Tadhamen peut atteindre plus facilement d’autres régions du pays avec un financement solide. Jusqu’à présent, la collaboration travaille avec 50 animaux producteurs [de viande et autres], depuis le 8 décembre 2017.

« Actuellement, l’YSB attend des résultats positifs, afin que nous puissions passer au niveau de financement suivant d’une valeur de 67 286 € », déclare-t-il. « Quant à notre méthode, Tadhamen travaille sur la reproduction génétique croisée pour de meilleurs animaux producteurs [de viande et autres] ».

Précisément, Mongi Kaddoussi travaille sur la sélection de génotypes de bovins et de chèvres adaptables pour les croisements. On a souvent recours à cette approche pour faire ressortir des traits génétiques importants, quoique différemment répartis, comme le nombre de petits par naissance et par vie.

Cela peut se faire par croisement avec des souches locales ou exotiques qui, plus tard, se traduiront par des variations dans la productivité. Fondamentalement, le processus permettra d’obtenir des animaux ayant des traits de performance supérieure de manière automatique, en gardant à l’esprit que les races à sélectionner devraient présenter une plus grande richesse génétique et héréditaire. « Nous essayons de nous assurer de n’oublier aucune maladie cachée ou caractère indésirable », ajoute Mongi Kaddoussi.

Le rôle environnemental de Tadhamen :

Les chèvres sont connues pour consommer toutes sortes de végétations. « Elles n’ont pas de préférences alimentaires, ce qui en fait un danger pour la plupart des plantes », explique Mongi Kaddoussi. « Notre solution est de fournir de bons régimes alimentaires concentrés pour troupeaux, à l’intérieur (dans les étables), ce qui les rendrait plus rentables sur le long terme et [permettrait] d’éviter le surpâturage ».

Il y a une autre facette du projet de Mongi Kaddoussi. L’une des races de chèvres les moins sélectionnées – appelée localement Shami ou chèvre de Damas – est présente dans la région depuis 3000 ans. « Les agriculteurs croisent à peine cette race, ce qui la rend plus vulnérable à l’extinction, bien qu’elle soit l’une des meilleures chèvres productrices de viande », explique Mongi Kaddoussi. « La race est très connue pour sa capacité d’adaptation et pour nécessiter peu d’entretien, et elle peut facilement être élevée avec d’autres races comme la chèvre Hijazi ».

Comment Tadhamen contribue sur le plan social et scientifique :

Pour réussir, une entreprise détient deux facteurs clés : générer des recettes et trouver des modes de financement variés. Pour Mongi Kaddoussi, récolter les fruits du croisement est un troisième moyen d’autofinancer Tadhamen et ses bénéficiaires. « Le fait d’avoir des animaux à forte production assure des revenus réguliers grâce à la vente des produits [qui en proviennent], et ceci contribue au bien-être d’une population défavorisée », explique-t-il. « De plus, nous travaillons en collaboration avec l’Institut National de Recherche Agronomique de Tunis. Cela vient s’ajouter à un prêt attribué par l’État d’un montant de 430 000 DT (144 681 €) », déclare-t-il.

Mongi Kaddoussi souligne par ailleurs la responsabilité sociale que Tadhamen assume : aider les plus vulnérables, notamment les femmes vivant dans les milieux ruraux, les personnes handicapées et les chômeurs. « Tadhamen fait cela en établissant des partenariats avec des agences de développement comme l’Agence Française de Développement », explique-t-il. Il a également ajouté qu’au sein de Tadhamen, il existe un comité qui s’attache à trouver des opportunités de ce genre.

Tadhamen a reçu le prix TheSwitchersFund OSCE GEMS Award d’un montant estimé à 15 000 euros, et dont le but est d’aider ce dernier, ainsi que cinq autres lauréats, à développer leurs technologies durables.

Mongi Kaddoussi précise que le plan à long terme pour Tadhamen est d’atteindre 50 000 animaux producteurs. « Nos plans montrent que nous avons au moins 500 bénéficiaires, ce qui en retour aidera 500 familles, surtout que le projet s’adapte à l’environnement et aux compétences des bénéficiaires », ajoute-t-il.

 

 

 

Photos : avec la permission de Tadhamen.

Eman est la rédactrice en chef des Switchers et journaliste spécialisée dans la finance et dans les startups orientées écosystème.Eman El-Sherbiny
Croisement et protection des animaux tout en aidant les personnes défavorisées | The Switchers
Traduction : Lilia Bacha
Tadhamen Aliments bilogiques & Agriculture