16 Nov 2017
Agadir, Maroc
Efficacité des ressources et gestion durable des déchets

La campagne autour de la ville marocaine Agadir est adaptée pour l’agriculture : les tomates, poivrons et autres cultures, pourvoient aux besoins de la population locale et représentent 60% des exportations agricoles du pays. C’est dans ce paysage rural parsemé de serres que Hassan El Hemer a grandi.

Un fils d’agriculteur, Hassan El Hemer se souvient du monde agricole qu’il a connu dès son plus jeune âge, mais aussi des déchets que ce monde produisait. À chaque saison, les serres devaient être nettoyées ; les plantes qui avaient déjà donné des fruits ou des légumes étaient déracinées sans ménagement et expédiées à un site d’enfouissement non loin de là pour être brûlées. Selon Hassan El Hemer, chaque hectare de terre peut générer jusqu’à 12 tonnes de déchets agricoles en autant de mois.

Quand Hassan El Hemer rentrait en été pendant la période où il préparait son diplôme de biologie, ce gaspillage le gênerait à chaque fois. Mais ce n’est qu’après avoir obtenu une maîtrise en PME et entrepreneuriat qu’il décide d’agir.

« Je me suis dit : « Eh bien, nous devons voir comment arrêter de brûler les déchets et en tirer quelque chose de bon ». C’est à ce moment-là que j’ai su que la seule option était le biocharbon, ». C’est à ce moment-là que j’ai su que la seule option était le biocharbon », raconte Hassan El Hemer, aujourd’hui âgé de 29 ans. Pour s’informer, celui-ci se tourne vers l’instructeur du 21ème siècle : YouTube. C’est là qu’il apprend qu’un jeune entrepreneur au Nigeria produit des briquettes de charbon de bois en utilisant des déchets organiques.

Hassan El Hemer venait de trouver sa meilleure solution, et BioChar Maroc était né.

Du charbon de bois à l’engrais en biocharbon :

L’idée de la briquette de charbon de bois a eu du succès très rapidement. Cela s’explique en partie par le potentiel du marché : le restaurant marocain moyen utilise environ 20 kilogrammes de charbon de bois par jour pour cuire le tagine, un plat typique préparé en faisant mijoter la viande et les légumes dans un pot en terre cuite au-dessus d’une cuisinière au charbon de bois. L’innovation de Hassan El Hemer permet de réduire l’empreinte écologique de chaque plat.

Voyant son potentiel, le Cluster Solaire Maroc soutient facilement l’idée de Hassan El Hemer. Il s’agit d’un centre à Casablanca qui héberge des projets liés au changement climatique et au secteur solaire. BioChar Maroc figure dans le volet marocian the Moroccan du The Huffington Post et le projet y est présenté comme l’un des projets qui promettent de décoller lors de la COP22 de 2016 à Marrakech.

Pendant la période qui a précédé cette conférence, Hassan El Hemer fait une tournée dans la région de Marrakech pour « foncer » avec son charbon vert. C’est alors qu’il se rend compte qu’il y a un problème : les poêles utilisés au Maroc ne sont pas adaptés pour travailler avec des briquettes de charbon de bois. Pour que produit fonctionne, il fallait soit ajouter de nouveaux ingrédients chimiques pour l’inflammabilité, soit convaincre chaque restaurant marocain d’utiliser un autre type de cuisinière.

Au lieu de choisir l’une ou l’autre de ces options, il a bascule vers le plan B : l’engrais biocharbon. Le biocharbon est la poussière carbonisée du charbon de bois et, lorsque celui-ci est mélangé au sol, il devient un engrais naturel. Expliquer le rôle du biocharbon dans l’agriculture est la raison d’être de la formation en biologie de Hassan El Hemer. Il étudie la composition du sol marocain : son pH élevé signifie que l’engrais biocharbon doit être acide, avec un pH plus bas. Cela, dit-il, crée des conditions optimales pour la croissance.

« En contrôlant la température pendant le processus de pyrolyse [lorsque les déchets sont brûlés], nous obtenons un bon charbon de bois adapté au sol marocain – nous ne pouvons pas importer un produit comme celui-ci », explique-t-il.

Le biocharbon devient une solution de plus en plus populaire dans le monde entier. L’International Biochar Initiative estime que le marché connaîtra une croissance de 14,5% jusqu’en 2025. Selon l’initiative, le besoin accru d’amélioration organique des sols, les règles gouvernementales sur la préservation des sols, le secteur croissant des biocarburants et d’autres facteurs contribueront à cette croissance.

Le compostage n’est pas une option :

La valorisation des déchets organiques sous forme de compost n’est pas accessible pour les agriculteurs d’Agadir. Les techniques agricoles sont à blâmer : comme les plants de tomates poussent de plus en plus haut dans les serres, les agriculteurs attachent les vignes à des bâtonnets en plastique à l’aide d’attaches en plastique. « Après cela, on ne peut plus séparer le plastique de la plante, alors il est difficile de faire du compost », explique Hassan El Hemer. « Il y a aussi des bactéries dans la plante qui causent un gros problème lors du compostage ».

Pour transformer ces déchets organiques et plastiques en quelque chose d’utilisable, Hassan El Hemer a inventé un broyeur mécanique qui déchiquette les déchets de serre. « C’est rapide, et le travail se fait en une journée », explique-t-il, ajoutant que les frais qu’il impose aux agriculteurs sont inférieurs au coût du nettoyage de la serre et du brûlage de ce qui reste. Une fois déchiquetés, les déchets sont acheminés vers un site non loin du domicile de Hassan El Hemer ; là, ils sont chauffés et transformés en biocharbon.

L’introduction du biocharbon sur le marché :

Jusqu’à la conclusion du partenariat PEPS, Hassan El Hemer admet qu’il n’en est qu’au début de son parcours entrepreneurial. Il collecte actuellement les déchets de deux petits agriculteurs, et a déjà été en pourparlers avec des acteurs agricoles plus importants, ceux qui ont plus de 200 hectares (deux kilomètres carrés) de serres. Avec une responsabilité sociale, des missions environnementales et le désir constant de réduire le coût de l’élimination de la biomasse, Hassan El Hemer dit que les grandes entreprises sont les clients idéaux.

La production d’engrais à base de biocharbon dépendra aussi de la fabrication d’un plus grand nombre de déchiqueteuses mécaniques et de la construction d’un four écologique où le biocharbon peut être carbonisé. Il s’intéresse particulièrement à la construction d’un four qui collecterait la fumée utilisée dans le processus de pyrolyse des déchets. Ce faisant, Hassan El Hemer affirme que la fumée pourrait être réutilisée dans la chambre de combustion, recyclant ainsi les émissions nécessaires à la création du biocharbon. Hassan El Hemer s’attend à ce que le four soit construit d’ici la fin de l’année, période autour de laquelle il prévoit également d’enregistrer officiellement l’entreprise en tant que start-up.

Un partenariat à venir pourrait être un moyen d’améliorer cette technique : Hassan El Hemer a été en pourparlers avec PEPS, une entreprise franco-marocaine basée à Marrakech qui utilise l’énergie solaire pour alimenter le procédé de pyrolyse. En utilisant le soleil pour chauffer la chambre du réacteur à 600°, le procédé de PEPS est entièrement égologique et peut transformer la biomasse en biocharbon à un taux beaucoup plus élevé.

« Hassan El Hemer connaît très bien le système de pyrolyse artisanale, et il sait tout sur le produit fini et le marché local », explique Hamza El Baroudi, PDG de PEPS. « Il a une vision intéressante du potentiel du marché d’Agadir, et nous voulons en apprendre plus de lui. En retour, nous viendrons avec la technologie pour transformer la plus grande quantité de déchets possible – jusqu’à 800 tonnes par an ».

Tout comme il a fait la promotion de ses briquettes de charbon vert et de biocharbon lors de la COP22, Hassan El Hemer est en train pousser son engrais biocharbon. Avec peu de concurrence sur le marché, une forte demande et des partenariats prometteurs à l’horizon, Hassan El Hemer dit qu’il pense que 2018 sera sa meilleure année à ce jour.

 

 

 

Site Web : www.biochar.ma

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Photos : Avec la permission de Biochar Maroc.

Hilary est journaliste, photographe et créatrice. Elle adore travailler avec les entrepreneurs pour partager leurs histoires et elle le fait partout dans le monde.Hilary Duff
Un entrepreneur marocain change la façon dont les agriculteurs voient les déchets organiques | The Switchers
Traduction : Lilia Bacha
BioChar Maroc Efficacité des ressources & Gestion durable des déchets