07 Déc 2017
Suez, Égypte
Efficacité des ressources et gestion durable des déchets

De la Haute-Égypte jusqu’au Delta du Nil, le paysage est parsemé de vaches. Il y en a des millions, dans un pays semi-aride , broutant, ruminant et enfin, excrétant. On estime qu’une vache moyenne produit 360 kilogrammes de crottin par an et que le purin de 200 vaches génère autant d’azote gazeux que les eaux usées d’une communauté de 5 000 à 10 000 personnes. Les troupeaux de bovins produisent également un gaz appelé méthane, qui, en 2015, a représenté 16% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, faisant des vaches un danger majeur pour l’environnement.

Mohamed Ghareb, cofondateur et PDG de Bio Tech, veut exploiter ce pouvoir des excréments de vaches en installant des unités de biogaz souterraines dans les fermes de ce pays largement agricole. Les unités de biogaz capturent les gaz libérés par le méthane et l’azote et les transforment en deux produits : un gaz qui peut être utilisé pour cuisiner, chauffer les maisons et fournir de l’électricité, et un engrais organique.

Naissance d’un ingénieur en biogaz :

Mohamed Ghareb a étudié l’ingénierie de production à l’Université du Canal de Suez. C’est là qu’il a intégré un projet de recyclage où il a été initié au leadership et à la communauté. Après avoir obtenu son diplôme, il commence à travailler avec Nahdet el Mahrousa, une organisation qui sert d’incubateur pour de nouvelles initiatives sociales innovantes au Moyen-Orient.  

Animé par sa passion pour l’environnement, Mohamed Ghareb est déterminé à créer sa propre entreprise, dont l’objectif premier serait de limiter les problèmes énergétiques en Égypte. Il obtient ensuite 50 000 PDE comme financement de la part de Nahdet el Mahrousa.

Depuis plusieurs années, l’Égypte connaît des coupures de courant intermittentes, et les foyers sont régulièrement confrontés à la pénurie de gaz naturel utile en cuisine.

« On a commencé à réfléchir au marché, à la communauté et à ce qu’on pourrait faire pour être utiles », dit Mohamed Ghareb. « Nous avons donc décidé de construire des unités de biogaz pour les agriculteurs », dit-il. « Nous voulons être la plus grande entreprise de recyclage de biogaz du Moyen-Orient ».

Le gaz produit par les unités de biogaz ne fait pas que fournir une source d’énergie renouvelable, il produit également un engrais.

« La plupart des agriculteurs utilisent un engrais chimique qui est très nocif pour l’environnement et pour nous aussi », déclare Mohamed Ghareb. « L’engrais naturel que nous créons est moins cher et contient plus d’azote et de minéraux. Il peut augmenter la productivité d’une parcelle de terrain de 30 à 50% ».

Les obstacles rencontrés lors de la construction des unités de biogaz :

Si vous empruntez une route rurale en Égypte, il n’est pas surprenant de voir d’énormes tas de fumier provenant d’animaux de ferme. C’est là que de nombreux agriculteurs déversent les déjections de leur bétail, envoyant du méthane directement dans l’atmosphère.

Cela pose problème à Mohamed Ghareb, qui connaît l’importance de la quantité de gaz créé par cette montagne de fumier. Il veut construire des unités de biogaz à grande échelle dans ces zones rurales, mais il est souvent difficile de convaincre les gens que les unités sont un investissement intéressant.

« Les agriculteurs sont réticents à l’idée d’avancer de fortes sommes et ils ont besoin d’aide », déclare Mohamed Ghareb. « L’année dernière, nous n’avons construit que trois unités parce que la plupart des agriculteurs ne comprenaient pas le concept. Nous avons transformé notre modèle d’entreprise pour travailler directement avec les agriculteurs, et nous avons organisé beaucoup de conférences de sensibilisation et d’ateliers pour informer les gens sur le recyclage et pour leur expliquer ce que nous faisons ».

Le gouvernement a également mis du temps à soutenir les modèles d’énergie renouvelable. Les combustibles fossiles nécessitent des subventions encore trop élevées – ce qui réduit les chances des entreprises d’énergie renouvelable d’être compétitives. De plus, les événements qui ont secoué le pays au cours des dernières années ont laissé une dette énorme, et cela rend l’État moins susceptible de soutenir les programmes environnementaux.

« Nous avons besoin de plus d’efforts de la part du gouvernement. À l’heure actuelle, il existe des politiques sur l’énergie solaire et éolienne, mais pas sur le biogaz », déclare Mohamed Ghareb.  « J’aimerais bien vendre de l’énergie biogaz au gouvernement, mais pour l’instant, je ne vends qu’au secteur privé ».

Jusqu’à présent, Bio Tech a construit 30 unités de biogaz dans six gouvernorats égyptiens.

Importance du biogaz pour le progrès environnemental :

Les pays du Moyen-Orient investissent dans les énergies renouvelables, avec le Maroc en tête. Ce pays africain a ouvert le plus grand parc éolien du continent en 2014, évalué à 1,4 milliard de dollars ; et en 2016, il a ouvert la plus grande centrale solaire du monde. L’Égypte tente de suivre son exemple, avec l’intention d’exploiter davantage l’énergie solaire.

Christine Lins, secrétaire exécutive du REN21 (Renewable Energy Policy Network of the 21st Century), note qu’il faut assurer un cadre politique stable pour que les investisseurs puissent faire des placements dans les projets d’énergies renouvelables.

« Nous avons vu des investissements records au Moyen-Orient et en Afrique. Les investissements sont passés de 1 milliard de dollars en 2004 à 12,5 milliards de dollars en 2015 », dit-elle. « Les investisseurs ne viendront que si le marché est stable, donc il est essentiel d’avoir un cadre politique prévisible ».

Elle fait remarquer que dans la course à l’énergie solaire et éolienne, le biogaz est souvent négligé ; ce dernier représente pourtant une source d’énergie renouvelable très importante.

« Dès qu’il est question de chauffage, de climatisation et de ‘cuisson propre’, ces sujets ne suscitent pas suffisamment d’attention ; il est donc indispensable que toutes les ressources soient prises en compte, y compris le biogaz », dit Christine Lins. « Pourtant, nous avons des exemples de projets qui ont réussi. Au Kenya, un projet de biogaz permet de cultiver 700 hectares (7 kilomètres carrés) de terres et d’alimenter 5000 à 6000 foyers ruraux. D’autres projets de biogaz existent, mais ils ne se font pas systématiquement. Avec la croissance des municipalités et de l’agriculture, il est important de savoir utiliser cette source d’énergie proposée par les projets qui valorisent les déchets ».

Mohamed Ghareb tient à faire la différence en Égypte. « Le changement climatique figure parmi les choses importantes qui nous préoccupent. Celui-ci est en train d’affecter profondément l’agriculture en Égypte, et nous en tant qu’êtres humains », dit-il. « Nous essayons de rendre le monde meilleur pour tous ».

 

 

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Photos : Avec la permission de Bio Tech.

Kristin Hanes est une journaliste passionnée par l'environnement, la durabilité et la science. Elle adore raconter les histoires des gens qui font une réelle différence dans le monde.Kristin Hanes
L’initiative égyptienne qui transforme une menace environnementale majeure en biogaz | The Switchers
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