31 Oct 2018
Caire, Égypte
Efficacité des ressources et gestion durable des déchets

Hadeer Ahmed Ghareeb ne se doutait pas que le célèbre spectacle de marionnettes folkloriques égyptiennes, El-Leila El-Kebeera (La grande nuit en arabe) allait devenir pour elle plus qu’un moment agréable de chant : quand elle était encore étudiante en pharmacologie, elle avait travaillé dans un atelier de fabrication de marionnettes. Elle avait beaucoup aimé l’expérience, mais il lui fallait gagner un revenu rapidement – chose que la fabrication traditionnelle de marionnettes ne pouvait assurer. C’est alors que Hadeer a décidé d’utiliser les déchets pour les transformer en marionnettes et après cela en jouets, à travers son initiative, Trash Into Toys.

Les spectacles de marionnettes en Égypte et ce qui s’en est suivi :

Les arts égyptiens de la marionnette  sont aussi anciens que les pyramides : on a retrouvé des marionnettes conservées dans certaines tombes avec leurs propriétaires. Avec le temps, la marionnette a évolué pour être représentée par un gant ou une chaussette à bonnet appelé aragoz. Composée d’un bout de vêtement ou de tissu, la marionnette peut facilement s’harmoniser avec l’utilisation d’un matériau recyclé. L’Égypte ne manque pas d’ordures : le pays produit 80 millions de tonnes par an, ce qui permet à Hadeer de participer au plan de développement proposé par l’Égypte pour faire face à ce fléau croissant.

À l’origine, Hadeer avait choisi d’organiser des ateliers pour les enfants défavorisés, idéalement avec peu ou pas de ressources. « Notre travail consiste à fournir une technique pour fabriquer des jouets à partir de presque rien », note Hadeer. La jeune femme s’associe habituellement à des ONG et emploie les talents de bénévoles passionnés, ce qui rend l’expérience encore plus personnelle. « L’une de nos expériences comprenait un voyage de camping où nous avons ramassé des déchets pour en faire des jouets », raconte-t-elle.

En ce qui concerne l’organisation d’un atelier et le travail avec les enfants et les bénévoles, Hadeer précise que tout événement ou atelier est toujours précédé d’une communication avec les responsables de l’endroit ou le partenaire concernés pour mettre de côté quelques déchets. « Nous leur demandons de s’assurer de la propreté des ordures à utiliser », explique-t-elle. Selon elle, les ateliers sont animés de façon ludique et créative. « Les enfants sont généralement plus conscients de leur environnement et de la propagation des ordures qui s’y trouvent, ce qui leur permet d’être plus créatifs, surtout à l’extérieur du Caire », explique Hadeer.

S’aventurer à l’étranger :

Il n’a pas fallu longtemps avant que Hadeer n’exporte Trash Into Toys à l’étranger. Elle a animé des ateliers dans des pays comme l’Inde, le Maroc et la Colombie. Ce qu’elle veut faire par la suite, c’est élaborer un programme de formation sur la façon de fabriquer des jouets à partir de déchets, puis de le déployer dans les écoles. « Grâce à ce programme, les enfants apprendront à garder leurs ordures, ce qui, à son tour, leur permettra de réduire les déchets » explique-t-elle.

Comme pour toute entreprise sociale en démarrage, les obstacles sont nombreux et vont des problèmes d’argent jusqu’aux intérêts mal placés. Mais s’agissant de Trash Into Toys, les défis auxquels Hadeer doit faire face sont surtout les ressources limitées dont disposent ses ONG partenaires pour travailler. « La plupart des ONG s’efforcent de procurer aux enfants des fournitures scolaires, des vêtements et d’autres besoins essentiels, alors que les enfants, eux, considèrent souvent ces jouets comme leurs biens les plus précieux », note Hadeer. Elle est convaincue que pour que leur esprit grandisse, ils ont besoin de leur imagination et de leur créativité au travail.

Il y a un autre obstacle à son travail : le manque d’engagement de la part de quelques ONG. Hadeer n’apprécie pas cela d’autant plus qu’elle a elle-même récemment quitté son emploi pour consacrer plus de temps à son projet. « Cela a été tout un défi, surtout que j’ai besoin de mon propre revenu stable », dit Hadeer.

On peut deviner la passion de Hadeer à travers sa voix joyeuse. « Nous nous souvenons tous de notre poupée ou de notre jouet préféré, mais certains enfants n’en ont même pas, et c’est ma mission : atteindre tous les enfants du monde entier avec mon initiative », ajoute-t-elle. Hadeer espère établir des liens avec les grandes usines et les entreprises qui produisent leurs propres déchets de carton et de plastique, comme les entreprises de produits laitiers et d’eau en bouteille.

Sa prochaine grande idée est d’organiser cinq ateliers différents, avec l’aide et le partenariat de ces entreprises dont les déchets seront utilisés. Dans le cadre de chaque atelier, les jouets dont la conception a été la plus pertinente seront sélectionnés et leurs créateurs seront invités à participer à un échange d’idées avec les responsables des entreprises pour formuler des formations qui seront indiquées sur les emballages.

 

Pour en savoir plus sur Trash Into Toys consultez sa page Facebook.

Photos : Avec la permission de Trash Into Toys.

Eman rédactrice et journaliste spécialisée dans la finance et dans les startups orientées écosystème.Eman El-Sherbiny
Le bal des marionnettes : cette initiative égyptienne apprend aux enfants à transformer les déchets en jouets | The Switchers
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