06 Sep 2018
Caire, Égypte
Aliments et agriculture durables

Ahmed Tony n’est pas un expert des médias sociaux et du marketing ordinaire : à côté de son travail quotidien, il s’efforce de rendre l’approvisionnement alimentaire en Égypte plus durable. Au début de l’année, Tony et trois associés fondent Maten’s Farm à Tagamoa, dans la banlieue périphérique du Caire. L’entreprise se spécialisera dans la création d’engrais à partir de déchets alimentaires, et produira éventuellement des fruits et légumes pour la vente publique.

Les fondateurs de la Ferme de Maten’s Farm se consacrent à la résolution de problèmes liés à l’alimentation en Égypte, de la malnutrition au gaspillage coûteux de la nourriture. Toutefois, ceuxi-ci insistent sur la logique commerciale de leur modèle d’entreprise, qui est en mesure de combler un vide béant dans les industries alimentaires égyptiennes et moyen-orientales. Avec une injection de capital, Maten’s Farm espère démontrer que profit et environnementalisme peuvent aller de pair.

« Le monde entier est confronté à d’énormes problèmes liés à l’alimentation », remarque Ahmed, l’un des fondateurs du projet d’aliments biologiques Maten’s Farm, basé au Caire. L’entreprise se spécialisera dans le lombricompostage, processus consistant à créer de l’engrais végétal de haute qualité à partir de fumier de vers.

En tant qu’Égyptien, Tony ne connaît que trop bien les problèmes liés à l’alimentation. Le pays arabe le plus peuplé du monde produit annuellement environ 73 kilogrammes de déchets alimentaires par habitant. L’économie égyptienne s’en ressent, avec une étude qui révèle que l’Égypte perd environ 11 millions de livres égyptiennes chaque année rien qu’en blé, oranges et tomates gaspillés.

Les déchets alimentaires sont un défi de santé publique encore plus important, que l’UNICEF décrit comme le « double fardeau de la malnutrition » de l’Égypte. Le taux d’accès « médiocre » à la nourriture s’élève à 16 % dans toute l’Égypte et atteint un niveau alarmant de 38,7 % dans la Haute-Égypte sous-développée. D’un autre côté, de nombreux Égyptiens luttent paradoxalement contre l’obésité. L’UNICEF attribue cette tendance à de mauvaises habitudes alimentaires et à un manque général d’éducation en matière d’alimentation saine.

Au début de cette année, Tony et ses collègues fondent Maten’s Farm en réponse à ces préoccupations pressantes d’ordre alimentaire. Tony travaille dans une entreprise nationale à titre d’expert en médias sociaux et en marketing, mais il prévoit passer à un poste à temps plein à la gestion de la ferme Maten’s Farm.

Le lombricompostage permet de ne pas gaspiller les restes de nourriture en les transformant plutôt en engrais organique pouvant produire des aliments sains. À cette fin, la recrue vedette de Maten’s Farm est le lombric nocturne africain, une espèce de ver reconnue comme un composteur très efficace. Les vers mangent les déchets alimentaires, digèrent leurs nutriments et produisent du fumier qui peut être utilisé comme engrais pour les plantes.

Jusqu’à présent, Maten’s Farm a produit avec succès des échantillons d’engrais à l’essai, en vue de commencer les ventes publiques au début de 2019. Selon Ahmed, l’industrie du lombricompostage offre des opportunités d’affaires lucratives en Égypte, tout en apportant une contribution sociale positive.

Montage de l’analyse de rentabilisation :

Tony pense qu’il existe une opportunité évidente en Égypte pour une entreprise comme Maten’s Farm. « La concurrence sur le marché [des engrais organiques] est faible », dit-il. « Le lombricompostage est nouveau en Égypte ».

On peut dire que le lombricompostage est un secteur en expansion à l’extérieur de l’Égypte, car il y a un intérêt croissant pour l’utilisation de l’agriculture à petite échelle et de processus de gestion des déchets plus efficaces. Lors d’une conférence TED en 2013, Matthew Ross avait décrit l’engrais créé par le lombricompostage – connu dans les milieux agricoles sous le nom d' »or noir » – comme ayant « une valeur inégalée en tant qu’additif pour le sol [qui] est incomparable ». Les exploitants comme Maten’s Farm peuvent réaliser d’importants profits en fournissant l’engrais recherché aux agriculteurs.

En Égypte, Ahmed fait valoir qu’il existe un vif intérêt pour les additifs de haute qualité pour les sols, non seulement dans le secteur agricole, mais aussi chez les entreprises agroalimentaires et paysagères. « Notre marché cible est vaste et nous avons de la demande pour nos produits », dit-il.

En se basant sur son expertise en marketing, Ahmed est également convaincu que Maten’s Farm peut en plus attirer plus de clients du grand public. « Beaucoup de gens ici n’ont pas accès à une alimentation saine, dit-il, ils consomment des aliments de mauvaise qualité qui sont traités avec des produits chimiques, ce qui affecte leur santé ».

Il y a trois mois, Maten’s Farm a organisé une séance ouverte sur les rudiments du lombricompostage ; l’entreprise participera par ailleurs à un événement sur l’agriculture biologique à la Bibliothèque publique d’Égypte en octobre. Les fondateurs ont également posté des vidéos éducatives sur les médias sociaux. Ces efforts de sensibilisation du public contribuent à faire connaître non seulement la marque Maten’s Farm, mais aussi l’existence en soi d’aliments sains en Égypte.

N’importe qui en Égypte peut également ajouter de la valeur à la ferme de Maten’s Farm – tout en réalisant un bénéfice net pour lui-même – en aidant l’entreprise à s’approvisionner en déchets organiques. Ahmed explique que son modèle d’entreprise comprendra des membres de la collectivité qui fourniront des déchets de nourriture à grignoter à ses larves africaines nocturnes. Ceci assurera un flux constant de matière organique pour la Ferme de Maten’s Farm, tout en offrant aux familles locales une source de revenus supplémentaire.

 « Il y a tellement de déchets alimentaires en Égypte, mais maintenant les gens peuvent utiliser leurs déchets pour faire de l’argent », dit-il.

 

Obtenir un coup de pouce financier :

Aujourd’hui, Maten’s Farm est à la recherche d’investissements lui permettant d’acheter de l’équipement industriel de qualité, ce qui accélérerait la production d’engrais. Le financement contribuerait également à l’expansion proposée de l’entreprise au-delà du lombricompostage. Ahmed a commencé à faire des expériences avec la culture hydroponique de tomates et perçoit des opportunités commerciales pour la vente intérieure et l’exportation à l’étranger. En particulier, les pays riches du Golfe, comme l’Arabie saoudite, ont une forte demande pour les fruits et légumes de haute qualité.

Ahmed est confiant et pense que lui et ses partenaires d’affaires ont l’expertise nécessaire pour tirer profit de ces ouvertures de marché. Maten’s Farm a déjà contacté des acheteurs potentiels par le biais de plateformes comme Facebook, mais prévoit de créer un site Web en ligne dédié aux cultures et engrais biologiques. « Personne en Égypte n’a mis en place un site web permettent de connecter directement le vendeur et l’acheteur », affirme Ahmed, « donc nous allons le faire ».

Si Maten’s Farm peut réaliser les grands desseins de ses fondateurs, la construction d’une Égypte plus durable pourrait également être une entreprise commercialement viable.

 

Pour en savoir plus sur le Maten’s Farm consultez sa page Facebook (https://www.facebook.com/matenswormfarm/).

Photos : Avec la permission de Maten’s Farm

Depuis qu'il a obtenu sa maîtrise en études du Moyen-Orient l'année dernière, il travaille comme journaliste pigiste à Accra au Ghana et au Caire en Égypte.David Wood
Maten’s Farm : Des vers affamés peuvent-ils faire des profits nets et réduire le gaspillage alimentaire en Égypte ? | The Switchers
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