20 Fév 2018
Beyrouth, Liban
Tourisme durable

Chaque pays a sa propre histoire et jouit d’une biodiversité unique, mais tous les pays n’offrent pas un sentier balisé qui les traverse en plein cœur. C’est le cas du sentier de randonnée Lebanon Mountain Trail (LMT), d’une longueur de 470 kilomètres, qui passe par plus de 75 villes et villages, trois réserves naturelles protégées, deux réserves de biosphère et un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Le climat méditerranéen du Liban est à l’origine d’un paysage où foisonnent une faune et une flore riches, et notamment l’emblématique cèdre, qui a été repris sur le drapeau du pays.

Des États-Unis au Liban :

Parfois, il faut un grand sentier pour en inspirer un autre. Joseph Karam a parcouru à pied une partie des 3500 kilomètres du Sentier des Appalaches en s’installant aux États-Unis en 1985.

De retour dans son pays natal, le Liban, celui-ci remarque que la demande de sentiers de grande randonnée se fait de plus en plus ressentir. « Les gens ont commencé à rentrer au Liban après la guerre avec de nouvelles approches inspirées de l’écotourisme pour profiter de la montagne », dit-il. « Il m’est apparu un jour que cet engouement n’était que la partie visible de quelque chose de plus important, et que tout cela pouvait se matérialiser à travers un sentier de grande randonnée ».

Au début des années 2000, Joseph Karam, par le biais de son entreprise ECODIT, saisit l’occasion de faire de cette idée une réalité. L’USAID avait lancé un appel d’offres pour le développement du potentiel économique dans les zones rurales du Liban, et un sentier parcourant la chaîne du Mont-Liban y répondait parfaitement. En 2007, 27 mois seulement après le début du projet, le sentier de randonnée Lebanon Mountain Trail (LMT) est ouvert aux randonneurs. La piste s’étend depuis Andqet Akkar au nord du Liban jusqu’à Marjayoun au sud.

Depuis sa création, le sentier jouit d’une reconnaissance internationale et est considéré comme une piste fondamentale du Réseau Mondial des Sentiers.

Les protecteurs du sentier de montagne du Liban :

Avec l’ouverture du LMT s’impose la création d’un groupe de personnes pour s’en occuper. C’est là qu’intervient la Lebanon Mountain Trail Association. Au cœur de la beauté et de la biodiversité des montagnes se cache un défi : préserver ces trésors.

« Il y a beaucoup de choses qui détruisent quotidiennement notre paysage naturel et notre patrimoine culturel et rural, et il y a une absence totale de planification urbaine », explique Maya Karkour, présidente de l’Association LMT. Elle cite les carrières illégales qui rongent les montagnes, les nouvelles routes qui zigzaguent le long des sommets, l’excès de détritus, le braconnage, l’incinération d’ordures dans des décharges à ciel ouvert, etc. Tout ceci vient s’ajouter aux incendies qui ravagent les forêts presque chaque été. Face à cela, l’association ne manque pas de défis. « C’est pourquoi notre mission de protection et de préservation est un véritable combat », dit-elle.

L’association LMT est actuellement composée d’un conseil d’administration bénévole de huit personnes et de huit fonctionnaires, dont un directeur exécutif, un gestionnaire du sentier, un gestionnaire du développement communautaire et deux personnes travaillant à temps partiel dans le domaine de l’éducation environnementale.

La mission principale de l’association consiste à protéger les montagnes où passe le sentier. « Actuellement, environ 20% du sentier est officiellement protégé, là où il traverse des réserves naturelles, des aires protégées et des sites patrimoniaux », explique Martine Btaich, directrice générale de l’Association LMT. L’association se bat actuellement pour qu’un décret présidentiel reconnaisse officiellement le LMT comme un sentier protégé à l’échelle nationale.  

Sentier rural, éducation rurale :

L’engagement communautaire et l’éducation sont parmi les priorités de l’Association LMT, et le groupe est fortement investi dans les communautés se trouvant à proximité du sentier. Un processus de consultation approfondie est actuellement en cours avec la participation des municipalités locales, des guides locaux, des propriétaires de maisons d’hôtes, des écoles locales et des divers intervenants afin de mieux comprendre leurs perceptions du sentier.    

Vu que le LMT a été créé en reliant de nombreux chemins spontanés, il est fort possible que les résidents ruraux ne soient pas au courant de l’existence de la piste officielle. « Nous les sensibilisons pour qu’ils sachent que ce sentier existe et qu’il est important de le protéger pour leur propre bien. Ils peuvent en bénéficier directement en développant un tourisme responsable », explique Maya Karkour.

L’association travaille avec chaque communauté le long du sentier, créant des emplois ruraux grâce aux maisons d’hôtes et au recrutement de guides de montagne. Il y a au moins un guide local par section le long des 27 sections du LMT. L’an dernier, l’association a reçu des fonds pour mener un programme de certification et de formation d’une année complète qui a permis de mieux préparer les guides locaux à guider les touristes ou apporter les premiers secours, et d’approfondir leurs connaissances sur des sujets tels que la géologie, la biodiversité, l’histoire et l’archéologie.

Le programme de l’Association LMT ‘Un sentier pour chaque classe’ initie à la randonnée l’un des plus importants groupes démographiques: les enfants. Dans les villages se situant non loin du sentier, six à dix écoles publiques sont sélectionnées chaque année, et les élèves partent sur le LMT pour de courtes randonnées, des discussions et des jeux, le tout pour en apprendre davantage sur la valeur environnementale des sentiers de montagne.

L’impact de ces actions se fait déjà ressentir. L’an dernier, le programme a travaillé avec une école à Tannourine, un village de montagne près du sentier. Après avoir été initiés au compostage, les élèves ont demandé à la municipalité de mettre en place un programme de compostage pour l’ensemble du village, au profit des agriculteurs locaux. Un comité de recyclage est en cours de création, les enfants étant chargés de sensibiliser leurs parents et voisins sur le pourquoi et le comment du compostage.

En février 2018, l’association a également lancé Mountain Explorers, un outil en ligne qui permet aux élèves de s’informer sur les ressources naturelles, la biodiversité, la culture et le paysage des régions montagneuses du monde entier.

Parallèlement à la sensibilisation à l’environnement, les programmes scolaires de l’association aspirent à montrer aux jeunes que l’écotourisme rural est un moyen de subsistance. « Nous voulons leur faire comprendre qu’il y a une réelle valeur à rester dans leur communauté, et que le tourisme durable et la préservation de ces destinations authentiques sont mondialement reconnus », dit Maya Karkour.

En pleine nature :

Et puis, bien sûr, il y a la randonnée elle-même. Des randonneurs du Liban et du monde entier parcourent le LMT, et on estime qu’entre 25000 et 30000 personnes le fréquentent chaque année. La demande pour l’emprunter au printemps et à l’automne est passée de quelques dizaines en 2009 au nombre impressionnant de 230 randonneurs en avril 2017.

« La plupart des gens le font parce qu’ils aiment la randonnée et la nature », dit Maya Karkour. « Notre point fort est la combinaison de la découverte des zones rurales et de la nourriture locale. Les gens ne reviennent pas seulement pour la randonnée, ils sont conquis ».

Mark Aoun est d’accord. C’est un randonneur passionné et le fondateur de Vamos Todos, une ONG et un opérateur d’écotourisme au Liban. « Vivre le Liban à pied est une excellente initiative qui fait du Liban une destination de randonnée reconnue mondialement », dit-il à propos du LMT. « Une grande partie de nos randonnées hebdomadaires passe par le LMT, elles sont encadrées par des guides certifiés de l’association. Nous nous efforçons de maintenir le bon classement du Liban à l’échelle de l’écotourisme en unissant toutes les forces disponibles ! ».

Dans quelques semaines seulement, le prochain groupe de randonneurs partira en randonnée semestrielle et parcourra le sentier sur toute sa longueur pendant 30 jours. La demande a été si forte cette année que l’association devra rediriger les personnes inscrites sur la liste d’attente vers des voyagistes locaux.

Le thème et le slogan de cette année est « Parcours-le, protège-le », et l’association fait la promotion d’une randonnée sans déchets, encourageant les randonneurs à apporter leurs propres contenants et bouteilles d’eau réutilisables et à recourir le plus souvent possible au recyclage.

Même si Maya Karkour affirme qu’il lui est impossible de choisir une partie préférée du sentier, elle a ses moments préférés : « J’adore les parties où vous regardez à 360 degrés autour de vous et où il n’y a rien qui indique la présence d’êtres humains qui se seraient installés là ou qui auraient touché au paysage », dit-elle. « Il n’y a ni maisons, ni béton, seulement la nature. Ce sont ces endroits que je trouve propices à l’inspiration, et ils m’incitent à lutter encore plus fort pour la protection de nos montagnes et de la nature ».

Le reste de l’Association LMT éprouve le même respect envers le sentier, ce chemin est entre de bonnes mains.

 

Pour en savoir plus sur l’association, consultez son site Web, sa Page Facebook, et Instagram.

Hilary est journaliste, photographe et créatrice de choses. Elle adore travailler avec les entrepreneurs pour partager leurs histoires et elle l'a fait partout dans le monde.Hilary Duff
Faites une randonnée à travers le Liban sur le plus long sentier de montagne du pays | The Switchers
The Lebanon Mountain Trail Association Tourisme durable