14 Mar 2018
Naplouse, Palestine
Aliments et agriculture durables, Efficacité des ressources et gestion durable des déchets

Ce qui n’était au départ qu’un passe-temps pour un couple de palestiniens s’est transformé en une entreprise qui a le potentiel de balayer les moyens traditionnels – et les limites – de l’agriculture dans le pays. La PETRICHOR Aquaponics, fondée par Maroof et Suhad Rabba en 2016, est à l’avant-garde de cette révolution.

Maroof et Suhad vivent à Naplouse, en Palestine, une ville bâtie sur des flancs de montagnes et des vallées. Comme dans le reste du pays, le couple constate les effets capricieux du changement climatique, exacerbés par la situation politique palestinienne.

Avec une formation en comptabilité, Maroof et Suhad nous prouvent que leur passion pour l’aquaponie peut être employée pour créer une valeur financière – et de meilleures conditions de vie pour eux-mêmes et pour les agriculteurs palestiniens.

La nécessité pour la Palestine de préserver les ressources en eau :

Tandis que, dans le monde entier, l’aquaponie sert à rendre les fermes plus efficaces, cette technique a un potentiel supplémentaire en Palestine : apporter l’autosuffisance dans un pays où la situation politique complique chaque défi environnemental. L’accès à l’eau est lié à ces deux aspects.

« Nous sommes parmi les premiers pays à être touchés par le changement climatique, parce que nous sommes très pauvres et que nous nous trouvons aux portes du désert », explique Maroof. « Sur les cartes satellites, on peut voir la couleur jaune du désert sur le point d’envahir nos montagnes vertes par l’est ».

Mais la sécheresse en Palestine est aussi le fait de l’homme, et les responsables politiques sont également à blâmer pour les problèmes d’accès à l’eau. À l’issue de l’accord d’Oslo signé en 1993, les Palestiniens n’ont plus le droit de creuser de puits sur leurs terres, ce qui entrave de manière évidente les agriculteurs qui ont besoin d’eau pour leurs cultures. Les limitations restrictives du partage de l’eau remontent à 1967, empêchant les Palestiniens de construire ou de maintenir l’accès aux nappes phréatiques qui se trouvent sous leurs terres. Par conséquent, les méthodes traditionnelles d’arrosage des cultures ne peuvent pas constituer une solution durable.

« En ayant recours à l’aquaponie, on garde la même quantité d’eau qu’on recycle continuellement. Nous devons subvenir à nos propres besoins avec les ressources dont nous disposons, et il s’agit d’utiliser notre esprit pour trouver des idées », dit Maroof. Les résultats sont spectaculaires et l’aquaponie utilise environ 50% de l’eau nécessaire à une agriculture traditionnelle. La seule ressource supplémentaire requise est la nourriture pour les poissons.

L’aquaponie et le rendement des terrains :

L’aquaponie aide aussi à surmonter certains problèmes liés à la rareté des terres et aux difficultés d’accès à ces dernières. En faisant la démonstration d’un système aquaponique fonctionnel, Maroof et Suhad veulent inciter les agriculteurs palestiniens à adopter la méthode pour leurs cultures. « Nous ne pouvons pas facilement exploiter nos terres à cause du conflit de sécurité », explique Maroof. « L’aquaponie nous aide à exploiter toutes les terres possibles, de la meilleure façon possible. Avec une superficie de 10 mètres carrés, vous pouvez planter cinq superficies de 10 mètres carrés ».

Malgré son potentiel qui permet d’accroître le rendement des terres agricoles, la PETRICHOR demeure la première entreprise à se lancer dans l’aquaponie en Palestine. Par le passé, le Ministère palestinien de l’Agriculture et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ont tenté avec plus ou moins de succès d’introduire des systèmes aquaponiques en Cisjordanie et à Gaza.

L’un de ces exemples est un projet de la FAO mené entre 2010 et 2013 et visant à créer des systèmes aquaponiques sur les toits, à petite échelle, dans les deux régions. « L’idée était intéressante, mais le plus gros souci était que l’aquaponie n’est pas une technique simple », explique Alessandro Lovatelli, un fonctionnaire de la FAO chargé de l’aquaculture qui, à l’époque, couvrait la région. « Pour qu’un projet réussisse, il faut une vulgarisation technique en mesure d’accompagner les gens ». Celui-ci ajoute que la demande du marché et la taille minimale sont des critères importants pour une entreprise comme la PETRICHOR – en plus d’apporter un soutien technique et un savoir-faire indispensables si l’on veut que les agriculteurs mènent à bien leurs propres projets aquaponiques.

Surmonter les défis environnementaux et politiques de la Palestine grâce à l’aquaponie | The Switchers
Surmonter les défis environnementaux et politiques de la Palestine grâce à l’aquaponie | The Switchers

Maroof pense que le succès à long terme auprès des agriculteurs locaux viendra aussi en leur montrant les résultats concrets de l’aquaponie, plutôt que de se contenter de leur en parler. « N’allez pas obliger des agriculteurs à regarder une présentation PowerPoint pendant deux heures, faites-leur vivre une expérience. Nous avons partagé nos produits dans des salles d’exposition de projets agricoles. Nous avons fait goûter aux gens nos tomates biologiques, et ils ont été surpris. Nous les avons comparées aux tomates chimiques géantes du marché, et les agriculteurs ont vu la différence », explique Maroof.

À la recherche d’un équilibre commercial :

Comme toute startup, Maroof et Suhad cherchent encore le modèle d’affaires qui fonctionne le mieux. Pour l’instant, cela s’est traduit par une réduction de leur activité aquaponique initiale.

Quand ils ont commencé en 2016, la serre de la PETRICHOR avait 200 mètres carrés de superficie, avec 2500 plants. Cette taille s’est révélée être trop coûteuse, et Maroof indique que l’entreprise prévoit de déménager dans une plus petite propriété de 70 à 80 mètres carrés d’ici l’été 2018. Cette nouvelle serre sera équipée d’un système électronique personnalisé et automatisé que Maroof aura programmé pour régler les lumières et la température de sorte à optimiser le milieu de la culture.

Entre-temps, la PETRICHOR Aquaponics diversifie ses revenus en utilisant au mieux ses locaux : la maison de Maroof et de Suhad. Sur la table de la salle à manger se trouve l’un des premiers aquariums de Palestine orné de vraies plantes plutôt que de plantes en plastique ; dans la chambre d’amis, on peut entendre le doux bourdonnement d’une demi-douzaine d’aquariums servant de nurserie pour poissons. La vente aux amateurs de ces aquariums à plantes et celle de poissons tels que le guppy et le poisson-chat sont deux moyens supplémentaires que Maroof et Suhad ont imaginés pour lever des fonds destinés à leur propriété aquaponique principale.

Montez sur la terrasse latérale du couple et vous rencontrerez une autre source de revenus. Accrochées le long des murs de la terrasse et de la maison, d’épaisses feuilles de plastique forment une serre improvisée qui sert de pépinière à des douzaines de semis méticuleusement étiquetés. Des radeaux aquaponiques flottent dans une piscine pour enfants, attendant d’être remplis de semis. Si vous observez l’eau pendant plus d’une seconde, vous verrez une carpe Koï venir grignoter à la surface.

Maroof et Suhad ont également élaboré des boîtes d’apprentissage pour les écoles à travers la Palestine. Fabriquées à partir de carton recyclé, ces boîtes bon marché (environ 5$ par élève) contiennent des graines que les enfants peuvent cultiver eux-mêmes. « C’est une autre façon d’approfondir ses connaissances sur l’environnement et de réaliser l’importance de prendre soin des plantes », dit Maroof à propos de ces boîtes.

Les prochaines étapes de la PETRICHOR  :

Pour Maroof et Suhad, le but ultime est de remettre leur propre propriété sur pied et de la faire fonctionner à nouveau. Une fois que la PETRICHOR aura produit des légumes comme les tomates, les concombres, les aubergines et les plantes médicinales, Maroof dit que leur objectif est de créer un produit à exporter – peut-être d’abord vers le marché israélien, où il y a une clientèle plus importante et une meilleure connaissance des produits biologiques.

Pour la PETRICHOR, les racines du mouvement aquaponique local dans l’agriculture palestinienne ne commencent pas dans le sol, mais dans les systèmes construits au-dessus de celui-ci.

 

Pour en savoir plus sur la PETRICHOR Aquaponics, consultez sa Page Facebook.

Photos : Avec la permission de Hilary Duff et la PETRICHOR Aquaponics

Hilary est journaliste, photographe et créatrice. Elle adore travailler avec les entrepreneurs pour partager leurs histoires et elle le fait partout dans le monde.Hilary Duff
Surmonter les défis environnementaux et politiques de la Palestine grâce à l’aquaponie | The Switchers
PETRICHOR Aquaponics Aliments biologiques et agriculture.