26 Mar 2018
Casablanca, Maroc
Textiles et vêtements durables

Le Maroc est célèbre pour ses beaux tapis aux couleurs chatoyantes, tissés main par les femmes des tribus berbères selon la technique traditionnelle du tapis Boucherouite. Ces tapis, qui sont de plus en plus recherchés dans la décoration, ont des couleurs riches et une texture épaisse. Le terme Boucherouite signifie ‘rebut de vêtements usagés’, et le tapis Boucherouite est traditionnellement fabriqué avec de la laine, du coton, du lurex et du nylon recyclés. Mais aujourd’hui, beaucoup parmi ces tisserandes ont du mal à joindre les deux bouts, c’est pourquoi deux jeunes femmes ont décidé de faire équipe pour changer la donne.

Lorsqu’elle était une enfant vivant à Casablanca, Fadwa Moussaif rêvait déjà d’aider les gens.

« Je prenais souvent les objets que je possédais pour les donner aux gens parce que cela me rendait heureuse », dit-elle. « En grandissant, j’ai su que je voulais aider les gens de façon durable. Je ne voulais pas leur donner de l’argent, parce que l’argent rend les gens paresseux et n’aide que sur le court terme. J’ai donc décidé que la meilleure façon d’y parvenir était de donner du travail aux gens ».

Au début, Fadwa ne savait pas exactement comment faire de son rêve une réalité, mais elle a fini par rejoindre Enactus tout en fréquentant la Faculté des Sciences et Technologie de Mohammedia. Là, elle a rencontré Amal Kenzari, une autre étudiante, qui a depuis lors obtenu une licence en génie des procédés.

« Nous sommes allées dans les communautés rurales et nous avons interrogé les gens sur leur vie et ce dont ils avaient besoin. Nous voulions savoir comment nous pouvions aider », dit Fadwa, qui en est à sa troisième année d’études en technologie biomédicale. « Nous avons constaté que plus de 20 % des femmes de chaque village étaient des tisserandes expérimentées, mais qu’elles ne pratiquaient pas cette activité. Les gens n’achetaient pas leurs produits, et même quand elles réussissaient à vendre un tapis, cela leur prenait deux semaines, et la tisserande ne gagne pas grand-chose ».

C’est ainsi que les deux étudiantes ont décidé d’aider ces femmes à avoir du travail ; elles fondent alors une entreprise textile appelée IDYR – un mot d’origine berbère qui signifie « vivant ».

Le principe de fonctionnement d’IDYR :

L’objectif d’IDYR est de concevoir et de fabriquer des produits à usage quotidien, qui respectent l’environnement et les conditions sociales des artisanes du Maroc.

L’initiative collecte les déchets auprès des grandes usines de vêtements et de textiles, puis utilise ce surplus de matériaux propres pour fabriquer de beaux produits comme les sacs à main, les tapis, les vêtements, les poufs et les oreillers.

Le recyclage des textiles est devenu crucial pour préserver l’environnement. Nombre d’études ont montré que l’industrie textile a un impact négatif, sur ce dernier, notamment la pollution de l’eau et l’utilisation de produits chimiques toxiques. De plus, la mode dite ‘à consommer’, où les gens achètent des vêtements pour les jeter aussitôt, génère de plus en plus de matières textiles dans les décharges.  Concrètement, on consomme 80 milliards de nouveaux vêtements chaque année dans le monde, soit 400% de plus qu’il y a deux décennies.

« Les entreprises textiles ont de très grandes lignes de production et partent d’une seule pièce de tissu pour plus de 2000 pièces », explique Fadwa. « Quand on y découpe des chemises, cela génère des déchets. Quand on découpe des pantalons, cela génère des déchets. Nous récupérons ce surplus de morceaux de tissus et les matériaux dont nous avons besoin pour notre collection et les distribuons aux tisserandes ».

Ces tisserandes peuvent alors travailler depuis chez elles et gagner un revenu qui leur permet de subvenir aux besoins de leur famille. Les produits qu’elles fabriquent s’adressent aux citadins actifs du Maroc, avec un style bohème-chic.

« Nos clients recherchent des produits originaux, confortables et de bonne qualité », explique Fadwa. « [Ce que nous proposons va] des sacs originaux et accessoires de mode aux meubles et éléments décoratifs pour la maison ».

IDYR a reçu une aide de mentorat de la part de l’incubateur d’entreprises NUMA Casablanca, qui aide au démarrage d’entreprises en apportant une part de financement.

La responsable de l’incubation à NUMA, Lamiae Skalli, assure que tout le monde à la NUMA a été impressionné par la vision d’IDYR.

« Chez NUMA Casablanca, nous nous intéressons vraiment aux entreprises qui travaillent à changer les choses. IDYR est l’une de ces entreprises. En plus d’avoir un impact sur la société en aidant les femmes à sortir de leur précarité, elle [l’entreprise] mène aussi une démarche environnementale en contribuant à une économie plus circulaire et en utilisant la technique traditionnelle de la boucharouite », explique-t-elle. « D’autre part, l’idée de recourir au Boucharouite – longtemps considéré comme une technique bas de gamme réservée aux tapis – pour créer des produits haut de gamme, nous a incités à faire confiance à l’esprit créatif des personnes derrière le projet ».

Lamiae Skalli ajoute enfin qu’elle apprécie particulièrement le fait que le modèle de production d’IDYR aide les femmes qui n’auraient pas été en mesure de gagner de l’argent autrement.

Les projets de développement d’IDYR :

Pour l’instant, IDYR a un faible taux de vente, tournant autour de trois produits par semaine. Jusque là, l’entreprise a pu se financer par le biais des concours, mais il lui faut plus d’argent pour se développer.

« Ce dont nous avons besoin, c’est d’une vraie production », dit Fadwa. « Il nous faut un espace où nous serons en mesure d’installer les femmes pour travailler, de nouveaux équipements et beaucoup de matière première. Les femmes ne disposent pas de suffisamment de place chez elles pour répondre aux besoins d’une grande chaîne de production. Nous espérons donc trouver des investisseurs et [intéresser] plus de consommateurs pour faire de ce projet une réalité »

Tout en cherchant des partenaires, les deux fondatrices continuent à travailler sur leur marque et à améliorer sa visibilité en ayant recours aux médias sociaux.

Actuellement, IDYR emploie trois femmes, avec l’intention d’en embaucher 20 de plus.

 

 

Pour en savoir plus sur IDYR, consultez sa Page Facebook.

Photos : Avec la permission d’IDYR.

Kristin Hanes est une journaliste passionnée par l'environnement, la durabilité et la science. Elle adore raconter les histoires des gens qui font une réelle différence dans le monde.Kristin Hanes
Tissant une nouvelle voie, cette initiative ressuscite un savoir-faire en déclin en faisant appel aux artisanes | The Switchers
Traduction : Lilia Bacha
IDYR Textiles & Vêtements durables