22 Fév 2018
Constantine,
Efficacité des ressources et gestion durable des déchets

Tandis que les jeunes du monde arabe sont préoccupés par les débouchés de leurs études, une femme algérienne réfléchit à la manière de recycler les déchets en plastique et cherche à sensibiliser les gens à cette question ; et même s’il lui faut de nombreuses années pour y parvenir, elle persévère dans sa mobilisation, guidée par son souci de l’environnement.

Besma Belbedjaoui a grandi à Constantine, dans le nord-est de l’Algérie. Elle s’installe ensuite à Alger pour étudier la génétique à l’Université des Sciences et Technologies Houari Boumediene en 2007, puis obtient un Master en marketing et économie en 2008. Besma a bien tenté de faire un métier directement lié à sa formation, mais comme la plupart des jeunes dans le monde arabe, elle a été confrontée au recul important des opportunités.

« J’ai essayé en vain de travailler grâce à mes diplômes en génétique ou en marketing », raconte-t-elle. « Et en 2011, beaucoup de mouvements et d’idéaux sont apparus dans le monde arabe, provoquant des répercussions partout ».

C’est à ce moment-là que Besma a pensé au recyclage du plastique. « J’ai eu recours à l’Agence Nationale de Soutien à l’emploi des Jeunes, une agence nationale qui soutient l’emploi des jeunes en proposant des prêts pour des projets reposant sur des idées innovantes », explique-t-elle.

D’un début de défi à la sensibilisation :

Armée de ses seules idées, Besma réussit à faire bonne impression et à obtenir un prêt, mais quelques faits indésirables tendent les relations entre elle et l’agence. « Je venais de m’engager dans un domaine industriel – j’avais besoin de beaucoup de main-d’œuvre et d’électricité », explique-t-elle.

Deux ans et demi plus tard, Besma participe à un concours primant le meilleur plan d’affaires, ce qui lui vaut la 3ème place et une apparition à la télévision nationale. « J’ai parlé de tout ce que j’ai vécu au cours de mon périple, ce qui a été très bien accueilli par les autorités locales de l’époque, qui ont contribué à accélérer le processus de démarrage de mon projet, Plasticycle Algerie », explique Besma. « Il m’a fallu [presque deux ans] entre 2011 et fin 2013 pour le réaliser, au cours desquels j’ai perdu des opportunités, des revenus et des efforts – certaines personnes ont repris l’idée à leur compte et l’ont adaptée pour leurs propres intérêts », ajoute Besma.

Selon une étude de la revue Science Magazine de 2015, huit millions de tonnes de plastique sont déversées dans nos océans, et ce nombre risque fort de se multiplier par 10 au cours des dix prochaines années. Les matières plastiques se présentent sous de nombreuses formes ; celle qui intéresse Plasticycle Algerie est le polypropylène. « Les bouteilles en plastique que nous recueillons sont consignées, lavées, puis réduites en de minuscules pastilles », dit-elle.

Plasticycle Algerie joue le rôle de l’intermédiaire. « Nous achetons de grandes quantités de plastique chez les grossistes, puis, lorsque nous avons notre produit final, nous le revendons à des entreprises qui l’utilisent dans la fabrication de textiles, de produits en plastiques et autres », ajoute Besma.

Bien que les choses se soient améliorées au fil des ans, Besma explique que l’Algérie n’a pas encore adopté de lois réglementaires pour encourager le recyclage. « Nous utilisons actuellement tous les moyens dont nous disposons pour faire pression en faveur d’un changement et pour sensibiliser les gens. De 2011 à 2018, l’Algérie est passée d’une stagnation du recyclage à une culture du recyclage et des énergies renouvelables », note Besma.

L’économie, l’éducation et le respect  de l’environnement :

Bien qu’il n’y ait pas de corrélation directe entre l’économie, l’emploi et l’environnement, la reconnaissance de l’importance des entreprises et des projets combinant les trois domaines aide les gens à comprendre et à rechercher de telles initiatives. « Je crois qu’avec le temps, il y aura des spécialistes qui prendront l’environnement beaucoup plus au sérieux », dit Besma, qui prépare elle-même sa maîtrise en énergies renouvelables à l’Université de Blida en coopération avec l’Université de Rostock en Allemagne, pour être spécialiste en la matière.

Cependant, elle dit être préoccupée par le manque d’informations. « Étant donné que nous avons besoin de grandes quantités de plastique pour le recyclage, nous devons aller dans l’un des 150 sites d’enfouissement et séparer les matières organiques des matières non organiques », dit-elle. « La prochaine étape serait de sensibiliser les gens sur la façon de le faire, tout en leur fournissant les outils nécessaires pour les y aider ».

« Je pense que cette expérience est à bien des égards une très bonne chose pour notre pays. Elle concilie trois domaines essentiels du développement d’une nation : l’économie, l’environnement et l’impact social », explique Karim Tedjani, un militant algérien et blogueur dans le domaine de l’environnement. « C’est une très bonne façon de faire campagne pour une économie algérienne plus circulaire, pas seulement avec de belles phrases, mais avec des actions concrètes. Enfin, le fait que cette initiative soit portée par une jeune entrepreneure est d’autant plus important dans la société algérienne, et il serait pertinent de profiter de cette génération de femmes algériennes ambitieuses, talentueuses et surtout compétentes », a-t-il ajouté, soulignant le travail remarquable que fait Besma en sensibilisant les gens grâce à des événements promouvant le recyclage en Algérie.

Besma Belbedjaoui est fermement convaincue qu’au cours des années à venir, ces efforts porteront leurs fruits, impliquant davantage de communautés et d’agences. « Le financement est essentiel et, en retour, nous pouvons et nous serons entendus puisque nous tenons le projet », a-t-elle déclaré fièrement. L’équipe des six personnes qui travaillent avec Besma est une lueur d’espoir face à la pollution et, au passage, une institution pédagogique.

 

Pour en savoir plus sur Plasticycle Algerie consultez sa page Facebook.

Images : Avec la permission de Plasticycle Algerie.

Eman est la rédactrice en chef des Switchers et journaliste spécialisée dans la finance et dans les startups orientées écosystème.Eman El-Sherbiny
Voici comment une entrepreneure a métamorphosé les déchets en plastique en Algérie | The Switchers
Traduction : Lilia Bacha.
Plasticycle Algerie Efficacité des Ressources & Traitement durable des déchets